Comment comptabiliser les dotations aux amortissements dans une déclaration CIR ?

Une dotation aux amortissements, c'est quoi ?

Immobilisation : définition

L’immobilisation est une possession de la société, un bien/actif dont la société détient le contrôle. Elle peut être matérielle (équipement, immeuble, PC, …) ou immatérielle (brevet, COV, licence, etc…) et s’inscrit au registre des immobilisations.

Dotation : définition

La dotation est le montant d’amortissement qui est passé dans la comptabilité au titre d’une année N. Cela correspond donc à la compensation comptable de la perte de valeur au fil du temps. Le montant apparaît dans le compte de charges « dotations aux amortissements ».

Amortissement : définition

L’amortissement, quant à lui, correspond à la somme des dotations. Il permet de constater l’usure d’un bien dans le temps. Il sert ainsi à prendre en compte la dépréciation d’un actif dans les états financiers d’une entreprise. Il existe plusieurs méthodes d’amortissement : 

  • Amortissement linéaire : sur toute la durée d’utilisation de l’actif
  • Amortissement dégressif : sur une période de l’utilisation de l’actif 
  • Amortissement dérogatoire : option fiscale permettant la comptabilisation en charge exceptionnelle de l’amortissement

Charge ou produit ?

L’amortissement apparait dans les charges de l’entreprise et lui permet de réduire son bénéfice imposable

Comment calculer la dotation annuelle aux amortissements ?

Le calcul de la dotation annuelle aux amortissements dépend du mode d’amortissement choisi par l’entreprise.

Amortissement linéaire : exemple de calcul

Le coût de l'actif est divisé par sa durée réelle d'utilisation.

Calcul dotation annuelle aux amortissements : base amortissable / nombre d'années de la durée réelle d'utilisation = annuité d'amortissement

Exemple :

Coût de l'actif : 20 000 €
Durée réelle d'utilisation : 10 ans

20 000 / 10 = 2 000

La dotation annuelle aux amortissements est alors de 2 000 €.

Amortissement dégressif : exemple de calcul

Un taux d'amortissement est appliqué sur la valeur comptable de l'actif au début de chaque année.

Calcul dotation annuelle aux amortissements : base amortissable x taux d'amortissement = annuité d'amortissement

Exemple :

Coût de l'actif : 10 000 €
Durée réelle d'utilisation : 5 ans
Taux d'amortissement linéaire : 100% / 5 ans = 20%  
Coefficient fiscal applicable : 1,75 
Taux d'amortissement dégressif : 20% x 1,75 = 35%

Première année :
10 000 x 35% = 3 500 €
Valeur nette comptable (VNC) : 10 000 - 3 500 = 6 500€

Deuxième année :
6 500 x 35% = 2 275 €
VNC : 6 500 - 2 275  = 4 225 €

Troisième année :
4 225 x 35% = 1 478,75€ 
VNC : 4 225 - 1 478,75 = 2 746,25 €

Quatrième année : 
2 746,25 x 35% = 960,19 € 
VNC : 2 746,25 - 960,19 = 1 786,06 €

À partir du moment où l'amortissement dégressif devient inférieur ou égal à l'amortissement linéaire, on bascule en mode de calcul linéaire. 

Amortissement linéaire restant : VNC / nombre d'années restantes 

Cinquième année (dernière année) : 
1 786,06 / 1 = 1 786,06 €
VNC : 1 786,06 -1 786,06 = 0 € 

Dotations aux amortissements et Crédit d'Impôt Recherche (CIR) 

Rappel des textes

Dans la loi

244 quater B du Code Général des Impôts (CGI) :​

« a) Les dotations aux amortissements des immobilisations, créées ou acquises à l’état neuf et affectées directement à la réalisation d’opérations de recherche scientifique et technique, y compris la réalisation d’opérations de conception de prototypes ou d’installations pilotes.

Toutefois, les dotations aux amortissements des immeubles acquis ou achevés avant le 1er janvier 1991 ainsi que celles des immeubles dont le permis de construire a été délivré avant le 1er janvier 1991 ne sont pas prises en compte ; » ​

49 septies I du CGI :​

« a) Les dotations aux amortissements fiscalement déductibles »

Dans la doctrine administrative

Rappel des conditions générales :

  • Être réalisée dans l’Espace Economique Européen + Accord d’assistance : UE 27 + Islande + Liechtenstein + Norvège
  • Être des dépenses retenues dans le calcul du résultat imposable de la société (Impôt sur les sociétés/Impôt sur le revenu)

Précisions du Bulletin Officiel des Finances Publiques (BOFiP) pour la valorisation des DA au CIR :

  • Utilisation mixte : « seule la part recherche doit être retenue pour le calcul des dotations aux amortissements. L’entreprise détermine cette part au prorata du temps d’utilisation. »
  • Définition des biens éligibles : « qui permettent, en eux-mêmes, la réalisation des programmes de recherche de l’entreprise. »
  • Cas particulier du bien « acquis » en crédit-bail : amortissements du crédit-bailleur

Immobiliser la R&D

Selon l’article 236 du Code Général des Impôts (CGI), « les dépenses de fonctionnement exposées dans les opérations de recherche scientifique ou technique peuvent, au choix de l’entreprise, être immobilisées ou déduites des résultats de l’année, ou de l’exercice au cours duquel elles ont été exposées. […] Ces dispositions sont applicables aux dépenses exposées dans les opérations de conception de logiciels. »​

Pour être immobilisé, les dépenses doivent respecter 6 critères :​

  1. Faisabilité technique démontrée ;​
  2. L’immobilisation doit être utilisable ou vendable ;​
  3. Être en capacité d’utiliser l’immobilisation ;​
  4. Démontrer un avantage économique futur ;​
  5. Disposer des ressources nécessaires pour terminer le projet ;​
  6. Pouvoir évaluer de manière fiable la valeur des dépenses incorporées.

Vous souhaitez en savoir plus ? Nous vous invitons à lire notre article sur l’immobilisation des frais de R&D

Les conditions d'éligibilité

Le Code Général des Impôts (CGI) indique clairement que les dotations aux amortissements des immobilisations sont valorisables au Crédit d’Impôt Recherche (CIR), sous certaines conditions d’éligibilité :

  • Le bien doit être acquis ou créé à l’état neuf (excluant ainsi tous les biens achetés d’occasion).
  • Les immobilisations doivent être directement affectées aux opérations de R&D, selon le second point de l’article 244 quater B du CGI. En effet, le bien doit être affecté à la réalisation d’opérations de recherche scientifique et technique, y compris la réalisation d’opérations de conception de prototypes ou d’installations pilotes
  • En ce qui concerne les immeubles, le législateur n’autorise, depuis la loi de finances pour 1991, le bénéfice du CIR qu’aux immeubles acquis ou achevés après le 1er janvier 1991 ou dont le permis de construire a été délivré après le 1er janvier 1991.

Les ajouts de la doctrine et la jurisprudence

La doctrine et la jurisprudence viennent éclaircir cette définition : les biens immobilisés doivent appartenir à l’entreprise. En dehors des immeubles qui ont une limitation temporelle, la doctrine précise la notion d’affection à la R&D comme étant une capacité de ces biens à contribuer aux opérations de R&D, tels que les instruments de calcul des ordinateurs ou des machines servant à la création de prototype.

Pour des utilisations mixtes, il est régulièrement rappelé que seule la part afférente aux opérations de recherche peut être valorisée en CIR.

La jurisprudence est tout de même venue assouplir cette vision. Notamment la Cour administrative d’Appel (CAA) de Versailles qui, dans son arrêt SA GENFIT, a admis l’éligibilité des équipements qui ne sont pas strictement nécessaires et qui ne permettent pas en eux-mêmes l’exécution des opérations de recherche.

Focus sur la conception de prototype ou d'installation pilote

Les immobilisations peuvent être affectées à la réalisation des opérations de conception de prototype ou d’installation pilote. La doctrine définit un prototype comme « un modèle original qui possède les qualités techniques et les caractéristiques de fonctionnement du nouveau produit ou procédé. Il n’en revêt pas nécessairement la forme ou l’aspect final, mais permet de dissiper des incertitudes permettant d’améliorer le produit ou le procédé concerné et d’en fixer les caractéristiques ».

Il est tout de même essentiel de rappeler qu’ici on parle de la valorisation au cours de la conception du prototype, et non de l’amortissement du prototype lui-même. L’amortissement du prototype n’est pas valorisable hors phase de conception. Cela a fait l’objet d’une jurisprudence rendue par la CAA de Bordeaux. pour la société JEDO. Dans les faits, la société avait mis au rebu son prototype et avait valorisé l’amortissement exceptionnel de cette mise au rebu.

Focus sur les brevets et les certificats d'obtention végétale (COV)

Les brevets et les certificats d’obtention végétale (COV) sont également valorisables au CIR.

C’est l’article 244 quater B II f du CGI qui prévoit leur valorisation au titre des dotations aux amortissements, dès lors qu’ils sont acquis en vue de réaliser des opérations de recherche et de développement expérimental

La doctrine et la jurisprudence précisent que les acquisitions réalisées en vue de leur industrialisation en l’état sont exclues de la valorisation.

La jurisprudence a permis d’étendre le bénéfice de la prise en compte des dotations aux amortissements de brevets aux droits d’exploitation attachés à la qualité de concessionnaires de brevets. Les juges ont considéré que ces derniers pouvaient être considérés comme étant des immobilisations incorporelles.

N.B.La loi de finances pour 2025 a instauré l’exclusion des dépenses de brevets et de COV.

Focus sur les biens acquis en crédit-bail

La doctrine a également prévu une extension concernant les biens pris en crédit-bail, c’est à dire en location avec promesse de vente. Dans ce cas de figure, trois conditions doivent être remplies :

1. Les biens doivent respecter les conditions posées par l’article 244 quater B du CGI, à savoir  :

  • Être des immobilisations ;
  • Avoir été créés ou acquis à l’état neuf par l’entreprise de crédit-bail ;
  • Être affectés par l’entreprise locataire directement à la réalisation des opérations de recherche.

2. Le montant de l’amortissement à valoriser correspond à la dotation enregistrée chez le crédit-bailleur.

3. L’entreprise qui émet un crédit-bail doit remettre à l’entreprise une attestation renseignant sur  :

  • La désignation et la valeur d’acquisition des biens loués ;
  • Le montant des amortissements pratiqués à raison de ces biens par l’entreprise de crédit-bail.

La valorisation des dotations aux amortissements

Il est tout d’abord important d’identifier, grâce au registre des immobilisations, les immobilisations qui seraient potentiellement utilisées en R&D.

Le registre des immobilisations ressence l’ensemble des biens matériels et immatériels de la société et précise l’ensemble des informations concernant ces biens : type, durée d’amortissement, etc… Comme nous l’avons déjà évoqué, en théorie, il faut être en mesure d’évaluer précisément le temps d’utilisation de ce bien en R&D.

On peut distinguer deux situations :

  1. Utilisation exclusive en R&D : dans ce cas, un suivi temps n’est pas nécessaire, mais il est important de pouvoir le justifier.
  2. Utilisation mixte : il faut, en théorie, un suivi temps pour chacune des immobilisations utilisées en R&D.

F.initiatives a développé Inno.Connect, une plateforme regroupant plusieurs applications, dont notamment Time Tracking, un outil permettant de suivre l’affectation du temps consacré aux projets, et de piloter globalement les activités de R&D

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Focus sur l'utilisation mixte

Dans les faits, un suivi de temps est rarement mis en place dans cette situation. Il est donc nécessaire de trouver d’autres moyens pour faire cette évaluation.

Concrètement, ce qui est généralement accepté par l’Administration, ce sont des méthodes approchantes. On peut notamment faire correspondre le calcul des temps en R&D du personnel qui utilise ces équipements. D’autres méthodes sont également envisageables, en fonction de l’organisation et des moyens de l’entreprise, notamment, par exemple, les ordres de fabrication sur une chaîne de production lorsqu’elle est utilisée pour des essais pilotes.

Ce qui est important, c’est de pouvoir expliquer et justifier cette méthode.

À ce sujet, il y a une jurisprudence, concernant la société KONTRON Transportation, qu’il est important de mentionner. Cette société a valorisé des dotations en utilisant le taux de R&D global, mais l’Administration n’a pas validé cette approche. Devant le tribunal, la société a notamment rappelé que cette méthode avait déjà été validée dans de précédentes affaires, mais les juges, cette fois-ci, ont considéré que ce n’était pas suffisant pour justifier du bénéfice du CIR. Cette décision remet donc un peu en cause un usage largement utilisé par les entreprises et généralement validé par l’administration.

Immobilisations non valorisables

Un autre point à rappeler, les équipements qui ne sont pas dédiés à la R&D ne sont pas à prendre en compte dans la valorisation, on peut notamment mentionner les smartphones, les voitures ou le matériel de bureau qui seront comptabilisés indirectement via les frais de fonctionnement, à 75%.

Cependant, il peut y avoir des petites subtilités. Aujourd’hui, les outils de mobilité, tels que les tablettes peuvent être de vrais assistants dans la réalisation d’activités de R&D, notamment lorsque l’ingénieur doit faire des observations directement sur place, ou pour faire de la géolocalisation.

Ce qu'il faut retenir

  1. Les dotations aux amortissements des biens utilisés en R&D détenus par l’entreprise sont éligibles.
  2. Ces biens doivent acquis à l’état neuf ou créés par la société, il peut s’agir à la fois de biens matériels ou immatériels
  3. Il est nécessaire d’évaluer au mieux le prorata d’utilisation de ces biens en R&D.
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Pour aller plus loin

Crédit d'Impôt Recherche (CIR)

Calcul du CIR

Crédit d'Impôt Métier d'Art (CIMA)

Crédit d'Impôt Innovation (CII)

Comptabilisation des immobilisations

Arrêt SA GENFIT

Jurisprudence KONTRON Transportation

Jurisprudence JEDO