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1 CAA de PARIS, 01/07/2022, 20PA01044

1.1           la décision

L’administration fiscale rejetait la déclaration CIR de la société, non agréée au titre du CIR, car :

  • La société a été engagée pour des opérations d’assistance technique ;
  • L’essentiel des heures valorisées a été facturé à des donneurs d’ordres ;
  • Les qualifications du personnel n’étaient pas suffisantes.

La cour d’Appel confirme la validation du CIR prononcée par le Tribunal Administratif. En effet :

  • le ministère chargé de la recherche et de la technologie a lui-même estimé que les trois projets conduits par la société devaient être regardés comme des  opérations  de  recherche  éligibles  au  crédit d’impôt  recherche.
  • Pour un organisme non agréé, l’intervention en prestation de services pour le compte de clients n’empêche pas la déclaration de CIR. La société a elle-même bien engagé les dépenses de personnel, et avait fourni l’ensemble des justificatifs demandés.
  • Les heures passées par le personnel de la société sur les projets (considérés éligibles au CIR) ont été validées par l’administration. Dès lors, les personnes sont assimilables à des chercheurs ou techniciens de recherche.

1.2           L’analyse F.initiatives

En premier lieux, la société a démontré que ses travaux correspondent à des activités de recherche éligibles au CIR. Ensuite, ne disposant pas d’agrément, la question se posait de la validation de la créance si les heures valorisées pouvaient entrer dans une déclaration CIR si elles étaient refacturées à un client. Dans ce cas, la société disposait de ses propres moyens pour conduire des opérations de recherche, et a su prouver l’implication directe de son personnel dans ces activités.

1.3           La bonne pratique F.initiatives

La réalité de la R&D est ici une question centrale. La société a su démontrer l’éligibilité de ses travaux. Ensuite, la société a pu montrer qu’elle disposait en interne des moyens de la réaliser, et que n’étant pas agréée, les dépenses étaient éligibles.

La justification et la traçabilité des travaux réalisés permet de répondre aux exigences de l’administration. Lorsqu’une société intervient en prestation d’assistance technique pour le compte d’un donneur d’ordre, il est impératif de pouvoir justifier de l’implication du prestataire dans les activités de recherche.

2 CAA Paris 16/08/2022 21PA01489

2.1           la décision

Une société déclarait du CIR pour un projet mené avec une société agréée. La créance CIR a été rejetée par l’administration, et par le tribunal administratif.

La société soutenait :

  • d’une part que le rapport des experts du MESRI était empreint de partialité dès lors que les trois projets en litige avaient été agréés par le même ministère au profit d’une société sœur ;
  • d’autre part que le CIR ne peut être conditionné à la réalisation préalable d’opérations tendant au dépassement d’un état de l’art ;
  • enfin que les dépenses effectuées par le sous-traitant agréé sont éligibles au crédit d’impôt recherche et enfin que le personnel affecté au projet disposait, du fait de son expérience dans la société, de la qualification nécessaire pour mener le projet.

La question de l’impartialité a été écartée, puisque l’expertise des travaux de la société sœur avait été réalisée par un autre agent du MESRI. De plus, aucun des trois experts dédiés pour l’expertise de la société n’avait eu connaissance des travaux de l’autre.

Sur la question de l’état de l’art et de la sous-traitance, les juges ont précisé que lorsqu’une entreprise répond à la commande d’un donneur d’ordre, sa contribution ne peut être regardée comme éligible au CIR que si elle vérifié que l’état de l’art existant ne permet pas d’d’apporter une solution à la demande du client.

Les juges ont aussi rappelé que les dépenses de R&D confiée à des prestataires agréés sont valorisables pour le donneur d’ordre. Par conséquent, les prestataires agréés doivent déduire les sommes ainsi perçues de la base de calcul de leur propre CIR. Ceci reste valable même si les donneurs d’ordre indiquent renoncer au bénéfice du CIR pour les dépenses de R&D externalisées.

2.2           L’analyse F.initiatives

L’étude de l’état de l’art scientifique et technique est une question centrale dans la détermination de l’éligibilité des travaux. En effet, le manuel de Frascati inclut dans les critères de définition de la R&D la créativité, la nouveauté, d’incertitude et de systématisation. 4 des 5 critères présupposent donc d’avoir analysé l’existant, et de lancer des travaux selon une démarche logique d’hypothèses et d’analyses. Partant de ce constat, il est indispensable d’analyser l’état de l’art avant de lancer les travaux.

Pour la question de la déclaration par le prestataire agréé des dépenses de R&D par ailleurs facturées à un donneur d’ordre, la doctrine est claire. L’esprit de la loi vise à éviter la double valorisation au CIR d’une même dépense : une fois chez le prestataire qui réalise les travaux, et une deuxième fois chez le client qui valorise la facture. Quand bien même cette double valorisation serait évitée par une attestation du donneur d’ordre, le prestataire agréé doit de déduire les sommes facturées de l’assiette des dépenses éligible de sa propre déclaration.

2.3           La bonne pratique F.initiatives

Nous préconisons systématiquement de réaliser un état de l’art scientifique avant de lancer les travaux. Ceci garantit de répondre (en partie) aux critères d’éligibilité. Plus important encore, cela garantit la pertinence des travaux. En effet, tout ou partie des incertitudes supposées pourraient avoir été résolues. Ainsi, on évite des doublons potentiels de travaux, et on améliore l’efficacité de la R&D. Nos experts se tiennent à votre disposition pour vous accompagner dans l’étude de l’état de l’art, ou pour vous donner les clés d’une analyse de la littérature scientifique efficace.

Concernant les déclarations des organismes agréés, plusieurs jurisprudences éclairent la situation. En premier lieu, la règle est de déduire les sommes facturées au titre de prestation de recherche auprès d’organismes soumis à l’impôt. Dans certains cas particuliers, certains projets peuvent être exempts de déduction, si par exemple l’objet du contrat n’est pas la sous-traitance de R&D, ou si le donneur d’ordre n’est pas éligible au CIR. Voir notre article Jurisprudences 2019 – Dépenses de sous-traitance de R&D.

3 Conseil d’État, 28/09/2022, 451820

3.1           La décision

Le conseil d’état casse l’arrêt de la cour d’appel. En effet, la cour avait appliqué une version antérieure du livre des procédures fiscales, ce qui privait la société de la possibilité de s’entretenir avec l’expert mandaté lorsqu’il remet en cause l’affectation à la recherche des dépenses valorisées.

3.2           L’analyse F.initiatives

Si la société obtient gain de cause sur la forme, les justificatifs ne semblent pas suffire pour valider la créance CIR. En effet, le conseil d’état renvoie en appel, mais ne valide pas la déclaration : « Il résulte de l’instruction que l’agent du ministère chargé de la recherche, tout en soulignant l’ambiguïté et l’insuffisance des explications fournies par la société pour démontrer le caractère novateur des réponses techniques qu’elle soutenait avoir développées, ne lui a adressé ni demande d’éléments justificatifs, ni demandes d’informations complémentaires qui lui auraient permis de mener son expertise à bien ».

3.3           La bonne pratique F.initiatives

Le respect de la forme est indispensable. De même, établir une relation saine d’échange lors de la vérification permet de disposer des échanges et de pouvoir apporter des éléments supplémentaires pour justifier les travaux et les dépenses valorisées.

4 CAA de LYON, 04/08/2022, 20LY02180

4.1           La décision

La cour d’appel confirme la position de l’administration et du tribunal, invalidant la créance CIR de la société. En effet, les éléments justificatifs ne faisaient pas apparaître de verrou nécessitant des travaux de R&D. Cette conclusion avait été apportée par un rapport d’expertise.

4.2           L’analyse F.initiatives

Les sociétés soutenaient que l’état de l’art était quasiment vierge au moment où le projet avait été entamé. Par leurs travaux, elles ont pu développer de nouveaux modèles de modélisation et de simulation d’ingénierie du vent qui ont été repris ensuite par des grands noms de l’industrie du photovoltaïque français. De plus, ces travaux ont permis une invention brevetée et se conformaient aux conditions posées par le manuel de Frascati.

Pour les juges, ces éléments n’ont pas permis de contredire les conclusions de l’expert. En effet, les travaux réalisés par le sous-traitant utilisaient par exemple une méthode numérique classique appliquée à la mécanique des fluides.

Par ailleurs, les juges ont rappelé que le dépôt de brevet d’un projet ne saurait caractériser seul une démarche de recherche et de développement. Enfin, concernant le Manuel Frascati, les juges ont indiqué que la société ne pouvait se baser sur cet outil au motif qu’il ne constitue pas une interprétation formelle d’un texte fiscal.

4.3           La bonne pratique F.initiatives

Nous rappelons encore une fois l’importance d’une analyse approfondie de l’état de l’art et de la mise en évidence des verrous et incertitudes. Ce sont ces verrous et incertitudes qui permettent de caractériser la R&D, et donc l’éligibilité des travaux.