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Décarbonation de l'industrie et financement public

De nombreux pays poursuivent des politiques de réduction des émissions, le changement climatique étant devenu l’un des principaux défis mondiaux. Les nations du monde entier sont confrontées à des défis macroéconomiques et financiers qui doivent être relevés si les gouvernements veulent atteindre les objectifs ambitieux de zéro émission nette d’ici 2050. La décarbonisation de l’économie mondiale est devenue l’un des principaux objectifs que les gouvernements du monde entier s’efforcent d’atteindre.

Pour ce faire, il est essentiel que les pays prennent conscience de la nécessité de respecter l’environnement et de veiller à ce que la consommation d’énergie soit durable, idéalement décarbonée.

En effet, la rareté des combustibles fossiles et la volatilité des prix affectent la compétitivité des industries européennes et leur capacité à établir des stratégies de croissance à long terme. En même temps, dans cette situation d’urgence climatique, les autorités publiques recommandent aux industries de se concentrer sur la décarbonisation, c’est-à-dire de passer à des sources d’énergie à faible teneur en carbone.

Les entreprises jouent un rôle important dans la réalisation des objectifs visés pour la décarbonation de l’industrie.

Comment décarboner son entreprise ?

La décarbonisation de l’industrie englobe toutes les mesures prises pour réduire l’empreinte carbone, c’est-à-dire les émissions de gaz à effet de serre (GES), principalement le dioxyde de carbone (CO2) et le méthane (CH4), afin de réduire leur impact sur le climat.

Plus précisément, la décarbonisation de votre entreprise signifie :

  1. Maîtriser votre mix énergétique 
  2. Maîtriser votre mix matière
  3. Maîtriser votre performance énergétique

Compensation Carbone

Même lorsque des mesures de décarbonisation sont mises en œuvre, il peut subsister des émissions résiduelles. Ces émissions persistent car il faut du temps pour atteindre les objectifs fixés dans la stratégie de décarbonisation.

La compensation carbone est un mécanisme qui vise à compenser les émissions de gaz à effet de serre (GES) générées par une activité en finançant des projets (de réduction, de capture et de séquestration du carbone) réduisant ou éliminant ces émissions. Ces projets peuvent être mis en œuvre directement par l’entreprise ou bien indirectement en soutenant financièrement une ONG ou une association qui se charge de mettre en place ces projets de compensation. Ils peuvent inclure des initiatives telles que :

  • la plantation d’arbres,
  • la promotion des énergies renouvelables,
  • l’amélioration de l’efficacité énergétique,
  • la capture et le stockage du carbone,
  • et d’autres actions visant à réduire les émissions de GES.

La compensation carbone est donc une étape nécessaire pour atteindre la neutralité carbone, car elle permet de compenser les émissions résiduelles qui ne peuvent pas être évitées immédiatement. Cela contribue à réduire l’impact climatique global d’une activité. De ce fait, des marchés du carbone ont été créés dans le monde. En Europe, il est appelé EU-ETS, ce qui signifie Système d’échange de quotas d’émission de l’Union européenne.

Quels sont les principaux objectifs liés à la décarbonation industrielle ?

Thème central des discussions de la COP26 et sous l’impulsion de la coopération internationale, de nombreux pays dans le monde se sont engagés à réduire leur empreinte carbone.

L’Union européenne (UE) vise la neutralité carbone d’ici 2050. Cela signifie que les pouvoirs publics souhaitent parvenir à un équilibre entre les émissions de carbone liées aux activités humaines et à l’absorption du carbone de l’atmosphère, rendue possible par les puits de carbone tels que les forêts.

Inévitablement, le monde industriel est appelé à agir.

Le rôle clé du financement public et des aides

La réalisation des objectifs ambitieux de décarbonisation de l’économie mondiale d’ici à 2050 nécessite le développement et la mise en œuvre d’un large éventail de technologies à haut rendement énergétique.

Pour y parvenir, la plupart des gouvernements du monde soutiennent le secteur privé et la recherche et le développement (R&D) dans le domaine de l’efficacité énergétique par le biais de politiques gouvernementales visant à stimuler les technologies à haut rendement énergétique. En effet, de nombreux pays s’appuient fortement sur des mesures de dépenses telles que l’augmentation des investissements publics et des subventions pour les énergies renouvelables.

Les investissements dans le secteur de l’énergie, en particulier dans les énergies renouvelables, sont essentiels pour rester en phase avec l’Accord de Paris sur le climat adopté en 2015. Par exemple, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) estime qu’en ce qui concerne l’accord visant à limiter l’augmentation de la température moyenne à la surface du globe à moins de 2 °C, des investissements cumulés de plus de 6 000 milliards USD seront nécessaires d’ici 2040.

L’impact positif des dépenses de R&D dans le secteur de l’énergie a été démontré, car elles contribuent à réduire les émissions de GES sur le long terme.

Budget pour la transition énergétique 

Selon l’AIE, pour atteindre les objectifs de zéro émissions nettes d’ici 2050, les investissements annuels mondiaux dans les énergies propres devront être multipliés par plus de trois d’ici 2030, pour atteindre environ 4 000 milliards de dollars.

Cadre européen pour la décarbonation

Un vaste panel législatif régit la décarbonation à travers l’UE, composé de directives, programmes et dispositifs européens, tels que : 

  • Green Deal (Pacte vert) : un ensemble de mesures mises en place par l’UE pour atteindre zéro émission nette d’ici 2050.
  • Fit for 55 : un ensemble de propositions interconnectées, qui visent toutes à assurer une transition équitable, compétitive et verte d’ici à 2030.
  • Système d’échange de quotas d’émission de l’Union européenne (SEQE-EU ou EU-ETS en anglais) : système de plafonnement et d’échange fixant une limite, alignée sur les objectifs climatiques de l’UE, à la quantité totale de GES pouvant être émise par les installations et les exploitants d’aéronefs inclus dans le système.
  • Directive sur les rapports de durabilité des entreprises (CSRD) : vise à harmoniser les rapports de durabilité des entreprises et à améliorer la disponibilité et la qualité des données publiées.
  • Taxonomie : système de classification définissant les critères d’alignement des activités économiques sur les objectifs de zéro émission nette d’ici 2050.

Afin d’encourager l’adoption de mesures de décarbonisation, les différents pays européens offrent une grande variété d’opportunités de financement pour encourager les acteurs de l’industrie à accélérer leur décarbonisation.

Focus sur les initiatives françaises

Les plans France Relance et France 2030

Le gouvernement français, à travers son plan France Relance, a mis en œuvre des dispositifs de soutien visant à accélérer la décarbonation de l’industrie et à stimuler les investissements, en vue d’atteindre les objectifs de neutralité carbone d’ici 2050. Dans le cadre de ce plan, le volet décarbonation France 2030 fournira un soutien spécifique à la décarbonation de l’industrie française.

Ces initiatives visent à promouvoir l’adoption de technologies propres, à encourager l’efficacité énergétique d’une activité industrielle et à réduire les émissions de GES dans le secteur industriel. L’objectif est de favoriser une transition vers une économie plus durable et de renforcer la compétitivité de l’industrie française tout en contribuant à la lutte contre le changement climatique.

ADEME, principal acteur pour la transition écologique française

Ainsi, de nombreux appels à projets ont été publiés par l’Agence de la transition écologique (ADEME) afin de soutenir la décarbonation de l’industrie française. Parmi ceux-ci, nous pouvons citer les suivants qui sont toujours d’actualité : 

  • ADEME – INVEST – DECARB IND : appel à projets dont l’objectif est de soutenir la diminution des GES des sites industriels à travers des thématiques telles que l’efficacité énergétique, la modification des mix énergétique et matière, le captage, la valorisation et le stockage du carbone.
  • ADEME – INVEST – DECARB IND + : appel à projets dont l’objectif est de réaliser une décarbonation profonde des sites industriels en utilisant des mesures telles que l’efficacité énergétique, l’électrification des procédés, l’utilisation d’hydrogène renouvelable ou d’hydrogène électrolytique à faible teneur en carbone, ainsi que l’utilisation de dérivés d’hydrogène renouvelable.
  • En octobre dernier, la Commission européenne a approuvé le régime d’aide français en faveur des combustibles solides de récupération (CSR). D’un montant de 300 millions d’euros, ce régime vise à soutenir les entreprises qui investissent dans l’utilisation de CSR. Ce dispositif a pour but d’aider les entreprises àrecourir davantage à des CSR, conformément à la norme NF-EN-15359, pour produire de l’énergie. Ainsi, l’ADEME devrait rapidement lancer un appel à projets pluriannuel à ce sujet.

Qu’est-ce qu’un projet concret de décarbonisation pour une entreprise ?

La durabilité d’une entreprise est devenue une question centrale dans un contexte où la décarbonation est essentielle.

Pour y parvenir, il est important de contrôler le mix énergétique en s’affranchissant de la dépendance aux énergies fossiles. De même, il est essentiel de contrôler le mix matière en adoptant des pratiques de gestion et de recyclage des déchets. Parallèlement, il est également primordial de contrôler la performance énergétique en réduisant la consommation et les émissions. Enfin, l’écoconception et l’économie circulaire sont des approches essentielles pour promouvoir une utilisation plus durable des ressources et minimiser l’impact sur l’environnement.

En intégrant ces différentes mesures, les entreprises peuvent contribuer à la durabilité de leurs activités tout en agissant de manière responsable sur le plan environnemental.

Exemples 

Les entreprises disposent d’un large éventail de projets concrets qu’elles peuvent mettre en œuvre pour promouvoir la durabilité et réduire leur impact sur l’environnement. Voici quelques-uns de ces projets :

  1. Chauffage, isolation et remplacement des lampes : Les entreprises peuvent améliorer leur efficacité énergétique en modernisant les systèmes de chauffage, en renforçant l’isolation et en remplaçant l’éclairage traditionnel par des solutions à haut rendement énergétique.
  2. Énergies renouvelables : La mise en œuvre de sources d’énergies renouvelables telles que les panneaux photovoltaïques, les systèmes géothermiques et la biomasse peut aider les entreprises à réduire leur dépendance à l’égard des combustibles fossiles et à diminuer les émissions de GES.
  3. Récupération de la chaleur perdue : En capturant et en utilisant la chaleur résiduelle générée par les procédés industriels, les entreprises peuvent optimiser leur utilisation de l’énergie et réduire le gaspillage énergétique.
  4. Procédés industriels : L’électrification, la modernisation et la rationalisation des procédés industriels peuvent améliorer l’efficacité énergétique et réduire l’impact sur l’environnement.
  5. Gestion de l’énergie : La mise en œuvre d’un système de gestion de l’énergie (SGE – ISO 50001) et de systèmes de surveillance peut aider les entreprises à suivre et à optimiser leur consommation d’énergie, ce qui permet de réaliser des économies et d’améliorer la durabilité.
  6. Écoconception et gestion des déchets : Les entreprises peuvent adopter les principes de l’écoconception pour développer des produits plus respectueux de l’environnement tout au long de leur cycle de vie. En outre, l’introduction de matières premières recyclées dans les processus et le travail en cycle fermé permettent de minimiser la production de déchets, de réduire les rebuts et de promouvoir le recyclage et la réutilisation.
  7. Transport : Les entreprises peuvent explorer des options de transport durable telles que les véhicules électriques, les carburants alternatifs et une logistique efficace afin de réduire les émissions de carbone liées à leurs activités.

En mettant en œuvre ces projets, les entreprises peuvent faire des progrès considérables pour atteindre leurs objectifs en matière de développement durable, réduire leur empreinte carbone et contribuer à un avenir plus vert et plus durable.

Stratégie de décarbonation : un processus complexe

La mise en œuvre de projets stratégiques et complexes nécessite une approche bien pensée et bien planifiée. En effet, ces projets peuvent englober différents domaines tels que la construction, la production et les habitudes de travail. Ils nécessitent souvent des investissements importants, tant au niveau des dépenses opérationnelles (OPEX) que des dépenses en capital (CAPEX). Les projets de cette envergure comportent également des aspects techniques, notamment en ce qui concerne les normes et les exigences énergétiques. Il est essentiel de se conformer aux réglementations en vigueur et de rechercher des solutions efficaces sur le plan énergétique.

Le financement de ces projets peut s’avérer complexe, avec la nécessité de mobiliser de multiples sources de financement telles que les subventions européennes, nationales et régionales, les crédits d’impôt (tels que le CIR, CICO, CII ou, bientôt, le C3IV) et les certificats d’économie d’énergie (CEE).

De plus, la mise en œuvre de ces projets implique une chaîne de valeur complexe, avec de nombreux acteurs impliqués. Il est nécessaire de suivre de près les évolutions réglementaires et stratégiques, d’établir un inventaire précis, de formuler des recommandations, de prendre des décisions éclairées, de mettre en œuvre les actions nécessaires, de gérer les aspects financiers et de contrôler en permanence les résultats obtenus.

La réussite de ces projets dépend d’une gestion rigoureuse et d’une coordination efficace de tous les acteurs concernés. S’appuyer sur une expertise solide et travailler en étroite collaboration avec les différents acteurs est essentiel pour assurer le succès et la pérennité de ces projets complexes et stratégiques.