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Flash Fiscal - avril 2024

Retrouvez votre dose mensuelle d’actualité fiscale du financement de l’innovation avec l’analyse de la jurisprudence de ce mois d’Avril 2024 par les experts F.initiatives.

Suivi-temps excessif

Conseil d’État, 20/12/2023, association OUVRE BOITE, 467161467161 

La décision

L’association Ouvre-boîte a demandé au ministère de l’Intérieur de publier plusieurs documents budgétaires et comptables des collectivités territoriales et de leurs groupements, une demande qui a été implicitement refusée par ce dernier.  

L’association a ensuite saisi le Tribunal Administratif (TA) qui a ordonné au ministère de l’Intérieur de publier en ligne, dans un délai de douze mois, les documents budgétaires demandés. 

Le ministère de l’Intérieur s’est pourvu en cassation devant le Conseil d’État en soutenant que la demande était abusive car elle imposait à l’Administration une charge disproportionnée par rapport à ses moyens, en raison du grand nombre de fichiers devant faire l’objet d’une anonymisation manuelle. 

Ce dernier a donné raison à l’administration.  

L’analyse F.initiatives

Cet arrêt est intéressant car il soulève la question de la charge excessive imposée à l’Administration en cas de demande de communication de documents.  

Le Conseil d’État a retenu que la personne demandant la communication de documents administratifs n’avait pas à justifier de son intérêt pour une telle communication. Il a également souligné que le juge devait prendre en compte l’intérêt attaché à cette communication pour le demandeur ainsi que pour le public, afin de déterminer s’il y avait effectivement une charge excessive pour l’Administration. 

Le Conseil d’État a conclu que la demande de mise en ligne de l’intégralité des fichiers excédait les possibilités techniques de l’administration, en vertu de l’article L. 311-9 du code des relations entre le public et l’administration. Il a précisé que l’administration n’était pas tenue d’utiliser un logiciel proposé par l’association pour l’anonymisation des documents, ni de développer un outil informatique pour satisfaire la demande, même si elle disposait des ressources financières et humaines nécessaires. 

Cela souligne le fait que l’Administration n’est pas obligée de mettre en place des solutions spécifiques pour répondre à une demande, si cela implique une charge excessive par rapport à ses moyens.  

La bonne pratique F.initiatives

Cet arrêt est spécifique à la situation présente : la société émet une demande vers l’administration. La demande en question nécessitant la mise en place de moyens disproportionnés, le Conseil d’Etat invalide donc la demande.  

Dans le cadre d’un contrôle fiscal, le contexte est radicalement différent, et le contribuable est tenu d’y répondre, même si les demandes de l’administration nécessitent le déploiement de moyens considérables.  

Prorata production et R&D

Conseil d’État, 8ème Chambre, 04/03/2024, THIFAN INDUSTRIE, 474980 

La décision

Le Conseil d’Etat refuse le pourvoi de la société. En effet, aux termes de l’article L. 822-1 du code de justice administrative : ” Le pourvoi en cassation devant le Conseil d’Etat fait l’objet d’une procédure préalable d’admission. L’admission est refusée par décision juridictionnelle si le pourvoi est irrecevable ou n’est fondé sur aucun moyen sérieux “. 

Dans sa déclaration CIR, elle avait inclus en totalité les dépenses d’amortissement de brevet, utilisés partiellement à des fins de recherche. L’administration puis le tribunal administratif et enfin la cour d’appel avaient redressé la déclaration.  

Aucun des arguments présentés par la société n’a été reçu comme un moyen sérieux d’admettre le pourvoi.  

L’analyse F.initiatives

Cette décision concerne la proratisation du temps d’utilisation des DA de brevets dédiés à la production et la recherche et développement (R&D). 

Si les dépenses de dépôt, maintien et défense de brevets sont bien éligibles au CIR, l’acquisition de ceux-ci ne sera valorisable qu’au travers de leur amortissement. Or, les dotations aux amortissements ne peuvent être valorisées qu’au pro-rata de leur utilisation en R&D.  

La bonne pratique F.initiatives

Comme pour les amortissements de matériels, les dotations aux amortissements de brevets ne pourront être reprises que pour la part effectivement utilisée en R&D. Les brevets acquis à des fins de production devront donc être exclus.  

CII et la définition d'innovation

TA de Paris, 1ère Chambre, 09/04/2024, GPasPlus, 2214395 

La décision

Le Tribunal administratif de Paris confirme la décision de l’administration fiscale et rejette la demande de remboursement de Crédit d’Impôt Innovation (CII) de la société GPasPlus. Le tribunal se base sur l’absence d’innovation de bien dans les projets présentés.  

L’analyse F.initiatives

La société GPasPlus a conçu une plateforme de e-commerce automatisée et a développé des outils associés d’automatisation de la gestion de la rupture des stocks, de récupération automatique des encours et des commissions, de suivi de commandes, d’enrichissement des fiches produits à destination des clients finaux, de suivi des commandes et du service après-vente et de blocage des ventes à pertes. 

Le Tribunal constate que cela n’a que pour seul objet l’amélioration des performances et de la rentabilité de la société grâce aux nouvelles fonctionnalités de sa plate-forme, conçues pour lui permettre d’assurer un meilleur suivi du paiement de ses commissions par les places de marché, de se libérer d’activités chronophages et d’améliorer sa compétitivité.  

Dès lors, il ne s’agit pas d’une innovation de produit puisque l’amélioration des performances visait l’entreprise, et non la plateforme en elle-même 

La bonne pratique F.initiatives

Dans le cadre d’une candidature au Crédit d’Impôt Innovation (CII), il est essentiel d’avoir un projet d’innovation de Bien (matériel ou immatériel), et non de Business Model ou encore de Service. Les améliorations en performance et en fonctionnalités doivent être nettement supérieures à celles des concurrents pour être éligibles. Le produit doit par la suite être mis sur le marché afin que l’innovation soit validée dans le cadre du CII.  

Cela implique de démontrer que l’innovation apporte une réelle valeur ajoutée sur le plan du produit lui-même, en termes de fonctionnalités, de performances, ou d’améliorations significatives par rapport aux produits existants. Il est également important de prouver que l’innovation répond à des besoins réels du marché et des consommateurs, et qu’elle présente un caractère novateur et non simplement une amélioration mineure ou une adaptation de connaissances existantes.  

Ainsi, il est crucial de documenter le processus de développement du produit, en mettant en évidence les risques techniques associés à l’innovation et en démontrant la nature substantielle des améliorations apportées. 

Pour en savoir plus

Le CII