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BEFIT : un cadre européen normatif

L’adoption du Traité de Maastricht en 1992 a marqué un tournant majeur en donnant naissance à l’Union européenne (UE) et en engendrant des transformations profondes. L’UE repose sur un modèle novateur caractérisé par une coopération et une intégration des politiques au sein des Communautés européennes, créant ainsi une structure supranationale.

Les institutions communautaires de l’UE, telles que la Commission européenne, sont chargées de prendre des actes normatifs, dont les directives communautaires font parties. Elles fixent des objectifs aux pays membres. Toutefois, ils disposent d’un délai leur permettant d’élaborer leurs propres mesures. Ainsi, les pays membres peuvent transposer en droit interne, par le biais d’une loi de transposition, les objectifs déterminés par la directive. 

La proposition de directive BEFIT par la Commission européenne

Business in Europe : Framework for Income Taxation ou “Entreprises en Europe : cadre pour l’imposition des revenus” en français, plus communément appelé BEFIT, est la nouvelle proposition de directive faite par la Commission européenne le 12 septembre 2023. 

Cette initiative propose une solution globale pour la fiscalité des entreprises au sein de l’UE. Si aujourd’hui encore aucun cadre commun concernant l’impôt sur les sociétés (IS) n’a été mis en place, le BEFIT trouve sa genèse dans la volonté des États membres de l’UE de se doter d’un cadre commun d’impôts sur les sociétés à l’appui du marché intérieur.

Historique

Le chemin parcouru jusqu’à ce projet BEFIT n’a pas été facile. Plusieurs propositions ont été faites, en 2011 et plus tard en 2016, toutes abandonnées. 
En effet, en 2016, aucun accord n’avait pu être trouvé entres les États membres, qui ont émis beaucoup de réserves. Le projet avait été considéré comme étant incompatible avec les principes de subsidiarité (qui définit la répartition des compétences entre l’UE et les États membres) et de proportionnalité (qui stipule que l’UE ne doit pas imposer de contrainte excessive par rapport à l’objectif à atteindre).

En s’appuyant sur les règles du Pilier 2 de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), cette nouvelle proposition de directive vient en remplacement de celles proposées en 2016 : l’ACIS (assiette commune pour l’IS) et l’ACCIS (assiette commune consolidée pour l’IS).

Focus sur le Pilier 2 de l’OCDE

Le modèle de Règles du Pilier Deux (ou règles GloBE « Règles globales de lutte contre l’érosion de la base d’imposition ») a été publié en décembre 2021 par l’OCDE. Un an plus tard, ce modèle de règles a été adopté unanimement par les États membres de l’UE, donnant naissance à la directive “Pilier 2”. Celle-ci prévoit que les règles de l’OCDE soient transposées dans les législations nationales d’ici le 31 décembre 2023, en vue d’une première application en 2024.

Ainsi, un taux d’imposition minimum de 15 % s’applique aux :

  1. Multinationales opérant dans plusieurs juridictions ;
  2. Entreprises dont l’activité est développée sur un seul territoire.

À noter : Les entreprises dont le chiffre d’affaires consolidé est inférieur à 750 millions d’euros ne sont pas concernées par ces règles. 

Dans le cas des multinationales concernées, celles-ci doivent calculer un taux effectif d’imposition dans chaque juridiction où elles opèrent. Si ce taux est inférieur à 15 %, l’entité devra payer un impôt complémentaire à la juridiction selon une formule de calcul établie par l’OCDE.

En France, la transposition de la directive Pilier 2 est prévue dans l’article 4 du projet de loi de Finances 2024, présenté le 27 septembre 2023. 
Le gouvernement français prévoit d’instaurer un impôt complémentaire distinct de l’IS pour les entités sous-imposées, qui sera payé par la société mère du groupe. La France mettra également en place un impôt national complémentaire qui s’appliquera aux filiales d’un groupe sous-imposé dans un État ou territoire spécifique, et qui sera perçu par cet État ou territoire.

Quelles règles prévues dans le BEFIT ?

La proposition de directive faite par la Commission européenne vise à mettre en place un nouvel ensemble unique de règles pour déterminer la base d’imposition des groupes d’entreprises. Ces règles prévoient que : 

  • Les sociétés membres du groupe BEFIT devront calculer leur base d’imposition en se conformant à un ensemble de règles communes basées sur leurs états financiers. ;
  • L’ensemble des assiettes fiscales des membres du groupe BEFIT devront être regroupées en une seule assiette imposable ;
  • Les membres du groupe BEFIT se verront attribuer un pourcentage de l’assiette imposable agrégée. Ce pourcentage sera calculé sur la base de la moyenne des résultats imposables au cours des trois années fiscales précédentes.

À quand est prévue l’entrée en vigueur du BEFIT au sein de l’UE ?

Une fois adoptée par le Conseil, la proposition devrait entrer en vigueur le 1er juillet 2028.

Quid de la R&D&I ?

Si les propositions ACIS et ACCIS de 2016 prévoyaient des mesures en faveur de la Recherche, développement et innovation (R&D&I), le proposition de directive BEFIT est silencieuse sur ce point. 

C’est pourquoi F.initiatives propose d’inclure des mesures incitatives, par l’intermédiaire de l’EAIC (European Association of Innovation Consultants). 

Cinq propositions ont été faites quant à la proposition de directive BEFIT :

  1. Mettre en place un système de fiscalité incitative pour l’investissement dans l’innovation, similaire à ce qui était prévu dans la proposition ACCIS.
  2. Introduire des mesures spécifiques pour soutenir les start-ups, comme cela était le cas dans la proposition ACCIS. 
  3. Fournir des recommandations aux États membres pour promouvoir et faciliter la sécurité juridique dans l’application des régimes d’incitation fiscale à l’innovation, ainsi que des budgets stables et prévisibles.
  4. Adapter les incitations à la R&D&I pour inclure l’éco-innovation ou “innovation éco-efficace”, en tenant compte des besoins changeants des entreprises et de l’économie dans son ensemble (tels que l’économie circulaire et la mise en œuvre de solutions technologiquement innovantes, durables et efficaces, conformément aux principes du Pacte vert pour l’Europe). Mais aussi, des recommandations afin de favoriser une croissance économique durable.
  5. Établir une définition commune de l’innovation dans l’UE qui pourrait servir de référence pour la demande d’incitations fiscales au niveau des États et au niveau européen.

Si la proposition de directive BEFIT ne fait pas référence à la R&D&I, de nombreuses autres initiatives européennes soutiennent activement la recherche et l’innovation.  L’Europe dispose en effet de nombreux instruments visant à promouvoir l’investissement dans l’innovation, tels que le programme Horizon Europe ou bien l’Espace européen de la recherche,

Ainsi, le Crédit d’Impôt Recherche (CIR) devrait encore être présent dans le paysage français, notamment car le gouvernement français communique sur l’importance du dispositif.