Accueil Rétrospective des jurisprudences 2022 du CIR et de l’Innovation
Rétrospective des jurisprudences 2022 du CIR et de l'Innovation
Eligibilité des projets
Eligibilité des projets d’innovation
CAA de BORDEAUX, 10/03/2022, 20BX04191
La Décision
Cet arrêt porte sur deux points d’attention : les critères d’éligibilité pour les activités d’innovation en développement logiciel, et le lien entre éligibilité et agrément.
- Eligibilité des activités d’innovation pour le développement logiciel :
Les juges ont conclu qu’il ne suffit pas que les développements d’un logiciel aient uniquement pour effet l’extension de son champ fonctionnel. Il faut démontrer que les travaux réalisés aient utilisé des techniques différentes que celles existantes et présentent un caractère de nouveauté.
- Agrément et éligibilité des projets:
Le fait de disposer d’un agrément CIR ne suffit pas à démontrer l’éligibilité des projets.
L’analyse F.initiatives
Concernant la qualification d’innovation, il faut souligner qu’il s’agit d’un cas d’espèce et que le raisonnement des juges n’est pas de nature à modifier la méthode de qualification d’éligibilité d’activité d’innovation (CII). Il s’agit également d’une décision de la Cour Administrative d’appel, ce qui sous-entend qu’il peut y avoir un recours au Conseil d’Etat.
On entend par dépenses d’innovation toutes dépenses relatives à la réalisation d’opérations de conception de prototypes ou installations pilotes de nouveaux produits.
Et les critères retenus pour qualifier un produit de nouveau sont le fait que ce produit :
- n’ait pas encore été mis à disposition sur le marché ;
- se différencie des produits déjà existants ou précédents par des performances supérieures sur le plan technique, de l’éco-conception, de l’ergonomie ou de ses fonctionnalités.
Suivez les liens pour plus d’information sur l’éligibilité des activités au CIR et au CII.
La bonne pratique F.initiatives
On rappelle l’importance de la justification de l’éligibilité des activités déclarées au CIR et au CII, tant dans la forme que dans le fond. Ainsi, si les indicateurs de R&D et d’Innovation comme l’agrément constituent des points positifs et pertinents, ils ne suffisent pas à la justification, qui doit porter précisément sur les activités réalisées.
Eligibilité des projets et expertise
CAA Paris 16/08/2022 21PA01489
La Décision
Une société déclarait du CIR pour un projet mené avec une société agréée. La créance CIR a été rejetée par l’administration, et par le tribunal administratif.
La société soutenait :
- d’une part que le rapport des experts du MESRI était empreint de partialité dès lors que les trois projets en litige avaient été agréés par le même ministère au profit d’une société sœur ;
- d’autre part que le CIR ne peut être conditionné à la réalisation préalable d’opérations tendant au dépassement d’un état de l’art ;
- enfin que les dépenses effectuées par le sous-traitant agréé sont éligibles au crédit d’impôt recherche et enfin que le personnel affecté au projet disposait, du fait de son expérience dans la société, de la qualification nécessaire pour mener le projet.
La question de l’impartialité a été écartée, puisque l’expertise des travaux de la société sœur avait été réalisée par un autre agent du MESRI. De plus, aucun des trois experts dédiés pour l’expertise de la société n’avait eu connaissance des travaux de l’autre.
Sur la question de l’état de l’art et de la sous-traitance, les juges ont précisé que lorsqu’une entreprise répond à la commande d’un donneur d’ordre, sa contribution ne peut être regardée comme éligible au CIR que si elle vérifié que l’état de l’art existant ne permet pas d’d’apporter une solution à la demande du client.
Les juges ont aussi rappelé que les dépenses de R&D confiée à des prestataires agréés sont valorisables pour le donneur d’ordre. Par conséquent, les prestataires agréés doivent déduire les sommes ainsi perçues de la base de calcul de leur propre CIR. Ceci reste valable même si les donneurs d’ordre indiquent renoncer au bénéfice du CIR pour les dépenses de R&D externalisées.
L’analyse F.initiatives
L’étude de l’état de l’art scientifique et technique est une question centrale dans la détermination de l’éligibilité des travaux. En effet, le manuel de Frascati inclut dans les critères de définition de la R&D la créativité, la nouveauté, d’incertitude et de systématisation. 4 des 5 critères présupposent donc d’avoir analysé l’existant, et de lancer des travaux selon une démarche logique d’hypothèses et d’analyses. Partant de ce constat, il est indispensable d’analyser l’état de l’art avant de lancer les travaux.
Pour la question de la déclaration par le prestataire agréé des dépenses de R&D par ailleurs facturées à un donneur d’ordre, la doctrine est claire. L’esprit de la loi vise à éviter la double valorisation au CIR d’une même dépense : une fois chez le prestataire qui réalise les travaux, et une deuxième fois chez le client qui valorise la facture. Quand bien même cette double valorisation serait évitée par une attestation du donneur d’ordre, le prestataire agréé doit de déduire les sommes facturées de l’assiette des dépenses éligible de sa propre déclaration.
La bonne pratique F.initiatives
Nous préconisons systématiquement de réaliser un état de l’art scientifique avant de lancer les travaux. Ceci garantit de répondre (en partie) aux critères d’éligibilité. Plus important encore, cela garantit la pertinence des travaux. En effet, tout ou partie des incertitudes supposées pourraient avoir été résolues. Ainsi, on évite des doublons potentiels de travaux, et on améliore l’efficacité de la R&D. Nos experts se tiennent à votre disposition pour vous accompagner dans l’étude de l’état de l’art, ou pour vous donner les clés d’une analyse de la littérature scientifique efficace.
Concernant les déclarations des organismes agréés, plusieurs jurisprudences éclairent la situation. En premier lieu, la règle est de déduire les sommes facturées au titre de prestation de recherche auprès d’organismes soumis à l’impôt. Dans certains cas particuliers, certains projets peuvent être exempts de déduction, si par exemple l’objet du contrat n’est pas la sous-traitance de R&D, ou si le donneur d’ordre n’est pas éligible au CIR. Voir notre article Jurisprudences 2019 – Dépenses de sous-traitance de R&D.
Eligibilité des projets et Etat de l’art
CAA de LYON, 04/08/2022, 20LY02180
La Décision
La cour d’appel confirme la position de l’administration et du tribunal, invalidant la créance CIR de la société. En effet, les éléments justificatifs ne faisaient pas apparaître de verrou nécessitant des travaux de R&D. Cette conclusion avait été apportée par un rapport d’expertise.
L’analyse F.initiatives
Les sociétés soutenaient que l’état de l’art était quasiment vierge au moment où le projet avait été entamé. Par leurs travaux, elles ont pu développer de nouveaux modèles de modélisation et de simulation d’ingénierie du vent qui ont été repris ensuite par des grands noms de l’industrie du photovoltaïque français. De plus, ces travaux ont permis une invention brevetée et se conformaient aux conditions posées par le manuel de Frascati.
Pour les juges, ces éléments n’ont pas permis de contredire les conclusions de l’expert. En effet, les travaux réalisés par le sous-traitant utilisaient par exemple une méthode numérique classique appliquée à la mécanique des fluides.
Par ailleurs, les juges ont rappelé que le dépôt de brevet d’un projet ne saurait caractériser seul une démarche de recherche et de développement. Enfin, concernant le Manuel Frascati, les juges ont indiqué que la société ne pouvait se baser sur cet outil au motif qu’il ne constitue pas une interprétation formelle d’un texte fiscal.
La bonne pratique F.initiatives
Nous rappelons encore une fois l’importance d’une analyse approfondie de l’état de l’art et de la mise en évidence des verrous et incertitudes. Ce sont ces verrous et incertitudes qui permettent de caractériser la R&D, et donc l’éligibilité des travaux.
Eligibilité des projets juridiques
Conseil d'État, 14/10/2022, 443869
La Décision
Les recherches menées dans le domaine du droit entrent dans le champ des activités éligibles au CIR ;
En revanche au cas d’espèce, il s’agissait de recherches qui avaient pour objet d’identifier les dispositions juridiques applicables et d’analyser une pratique juridique existante dans un domaine. Le Conseil d’Etat confirme que ces activités ne sont pas éligibles au CIR.
L’analyse F.initiatives
Il s’agit d’un cabinet d’avocats qui a demandé le remboursement du CIR en raison des dépenses de personnel exposées par sa salariée doctorante. Cette doctorante effectuait une sur les particularités de la procédure de divorce. Le TA et la CAA de Bordeaux ont tous deux rejeté sa demande. Le Conseil d’Etat admet le raisonnement des juridictions de fond.
En pratique, les recherches menées dans le domaine du droit ne sont pas, par principe, exclues du CIR. Cependant, les recherches qui ont pour objet d’identifier les dispositions juridiques applicables et d’analyser une pratique juridique existante ne peuvent y ouvrir droit. Le fait qu’une doctorante en droit effectue au sein d’un cabinet d’avocats ces recherches dans le cadre d’une thèse ne suffit pas à lui seul d’ouvrir droit au CIR.
La bonne pratique F.initiatives
En cas de situation particulière sur l’éligibilité d’un projet, ou d’un doute sur la compatibilité d’une activité avec le CIR, la procédure de rescrit permet de solliciter un avis auprès de l’administration.
Rappelons également que les travaux de thèse ne sont pas systématiquement éligibles au CIR. Seules les thèses de recherche le sont. Par exemple, les thèses d’exercice en pharmacie ou en médecine n’ouvrent pas droit au CIR.
Prototype de recherche ou de validation
CAA Bordeaux, 09/11/2022 20BX03564
La Décision
La société avait développé des produits biocide, et avait déclaré du CIR sur les travaux réalisés. Elle avançait notamment l’éligibilité des dépenses de sous-traitance qu‘elle avait confiées pour les essais et analyses avant l’obtention de l’autorisation de mise sur le marché.
Le tribunal administratif, comme la Cour d’Appel, invalident la créance.
L’analyse F.initiatives
La société arguait que :
- les travaux d’essai et d’analyse réalisés avant l’obtention d’une autorisation de mise sur le marché sont éligibles au crédit d’impôt recherche au sens de la doctrine administrative ;
- les agences de sécurité sanitaire européennes ont procédé à une évaluation scientifique des risques et de l’efficacité des produits innovants en cours de formulation et d’élaboration ;
De plus, elle s’appuyait sur un remboursement du CIR sur une année précédente comprenant des dépenses de sous-traitance similaires. Elle avançait aussi qu’une filiale à 100% avait validé sa déclaration CIR incluant des dépenses de sous-traitance confiées aux mêmes organismes lors d’une vérification de comptabilité.
En premier lieu, le caractère éligible des opérations de recherche doit être démontré chaque année. Ainsi, l’éligibilité des opérations les années précédentes ne garantit nullement l’éligibilité l’année suivante. Ici, le tribunal ne remet pas en question l’éligibilité globale du projet, mais les dépenses de sous-traitance. En effet, les justificatifs produits montrent que les opérations externalisées étaient des demandes d’autorisation de mise sur le marché national ou de l’Union européenne, et n’intervenaient pas dans le cadre de R&D. Ces opérations se produisaient après.
La bonne pratique F.initiatives
Le point clé est la distinction entre prototype de recherche et de validation. Dans le premier cas, le prototype est support de la recherche, et sert directement à lever des verrous techniques. Les tests se placent donc dans les phases éligibles. Dans le deuxième cas, les verrous sont levés, et le prototype ne sert qu’à obtenir les certifications.
Dans tous les cas, les opérations valorisées doivent viser la levée d’incertitudes techniques. La présence de ces verrous doit être démontrée chaque année par l’étude de l’état de l’art des connaissances scientifiques.
Eligibilité des projets d’innovation et versions logiciels
TA Nîmes, 23/11/2022, 2021560
La Décision
Le Tribunal rejette les dépenses d’innovation déclarées au CII de la société sur un projet de développement logiciel. L’administration considérait que le critère de nouveauté n’était pas rempli parce que le logiciel en question avait déjà fait l’objet d’une commercialisation auparavant.
parce qu’une mise à jour d’un produit déjà commercialisé n’est pas éligible. La société avait développé une nouvelle version
L’analyse F.initiatives
L’administration et le tribunal administratif motivent leur décision sur la base de l’analyse du marché, qui inclut la version précédente du logiciel. Ils avancent qu’une nouvelle version ne constitue pas un nouveau produit, mais une mise à jour applicative. Les développements ainsi valorisés ne correspondaient pas à des développements de prototypes.
La bonne pratique F.initiatives
L’éligibilité d’un projet au CII s’évalue au regard de l’étude de marché. En conséquence, les entreprises doivent analyser l’ensemble du marché, y compris leurs propres produits et anciennes versions pour montrer l’amélioration des performances, des fonctionnalités, de l’ergonomie ou de l’éco-conception.
L’éligibilité des travaux au CII sont les travaux de conception de prototypes ou d’installations pilote. Ainsi, le support des travaux d’innovation doit pouvoir être considéré comme un prototype, et ne peuvent pas être uniquement des mises à jour de produits existants.
Qualification et justification du personnel de recherche
CAA de PARIS, 9ème chambre, 18/02/2022, 19PA01989
La Décision
La cour d’appel donne raison à la société sur l’éligibilité des dépenses de personnel. Le tribunal avait retoqué les dépenses par manque de justifications, tant sur la qualification que sur la mesure des temps passés.
L’analyse F.initiatives
La société a fourni des tableaux reprenant le temps passé par chacun de ses salariés par projet R&D ainsi que les CV des personnes concernées.
Par les CV fournis, la société a pu justifier la qualification de chercheur et technicien de recherche pour chacun. Par les tableaux de suivis temps, elle a pu retracer l’affectation de ces personnes aux activités de R&D présentées, et ainsi justifier des dépenses valorisées.
La bonne pratique F.initiatives
La justification des dépenses de personnel doit porter sur
- la qualification et l’éligibilité des personnes
- la quantification des dépenses et des temps.
Les CV et diplômes permettent de justifier le premier point. Ces éléments doivent être collectés et tenus à disposition dès les hases amont de la constitution de la déclaration.
Pour le deuxième point, un suivi temps détaillé retraçant l’affectation des personnes et faisant le lien avec les travaux réalisés est indispensable. Pour répondre à ces exigences, F.initiatives a développé une solution de suivi des temps particulièrement adaptée aux entreprises innovantes.
Qualification et justification du personnel de recherche
CAA de PARIS, 23/03/2022, 21PA00825
La Décision
L’administration a remis en cause le pourcentage de charges sociales liées aux rémunérations du personnel affecté aux opérations R&D et la valorisation de trois personnes au motif que le dossier présentait des incohérences quant aux heures déclarées.
L’analyse F.initiatives
En pratique, trois consultants salariés de la société affectés à un projet de recherche ont effectué simultanément des prestations chez un client. Elle a aussi noté que la somme des temps affectés à la prestation client et des temps déclarés au projet dépassait le nombre de jours travaillés. En l’absence de preuve de lien entre les deux activités (R&D et prestation client), l’administration a conclu à une incohérence et a invalidé les dépenses.
Bien que le rapport d’expertise MESRI n’ait pas remis en cause le montant des rémunérations déclarées, l’incohérence relevée justifiait l’invalidation des dépenses.
La bonne pratique F.initiatives
La justification et le suivi des temps est encore une fois un élément clé. De plus, en cas de source multiple (comptes-rendus d’activité, suivis temps internes, facturation, etc.), une consolidation et une explication des recouvrements éventuels est primordial.
F.initiatives a développé une solution de suivi des temps particulièrement adaptée aux entreprises innovantes.
Sous-traitance
Eligibilité des Dépenses de Sous-traitance
CAA de PARIS, 9ème chambre, 18/02/2022, 19PA01989
La Décision
La Cour d’Appel invalide les dépenses de sous-traitance d’un organisme de recherche privé car il ne disposait pas de l’agrément CIR. Elle invalide également des dépenses de sous-traitance confiées à des organismes publics car le libellé des factures ne permet pas de faire le lien avec des opérations de R&D.
L’analyse F.initiatives
Cet arrêt rappelle l’importance des libellés sur les factures qui contribuent à prouver le bienfondé de la demande de CIR.
Attention, le fait que les dépenses s’avéraient indispensables à l’aboutissement des recherches n’est pas suffisante pour bénéficier du CIR pour ces dépenses. Ici, les factures ne permettaient pas de lier les prestations sous-traitées aux travaux de R&D.
La bonne pratique F.initiatives
Les dépenses de R&D sous-traitées peuvent être valorisées au titre du CIR à plusieurs conditions :
- Le sous-traitant dispose de l’agrément au titre du CIR (depuis 2022, même les organismes publics doivent avoir cet agrément) ;
- Les factures, contrats et livrables doivent confirmer la réalisation d’opération de R&D, et être liés aux travaux valorisés.
Transfert de bénéfice
CAA de VERSAILLES, 29/03/2022, 20VE02091
La Décision
La cour d’appel confirme la décision du Tribunal Administratif, déchargeant la société des rehaussements concernant un sujet connexe au CIR. L’administration fiscale avait considéré que la société avait indirectement transféré des bénéfices à la société mère basée à l’étranger en considérant que le prix de vente facturé avait été déterminé en fonction de leur prix de revient, net des crédits d’impôt et des subventions de recherche. Elle en avait donc déduit que les refacturations de frais inscrites au compte de transfert de charges ainsi que le chiffre d’affaires de la société était erroné.
L’analyse F.initiatives
La cour d’appel comme le tribunal administratif considèrent que les prix ainsi définis ne constituent pas un transfert de bénéfices à l’étranger. Ensuite, le caractère incessible de la créance CIR, ou le fait que le CIR constitue un moyen de paiement de l’impôt, ne permettent pas non plus de conclure à l’existence d’un avantage en nature accordé à la société mère. Une marge était appliquée, et l’administration ne démontrait pas qu’elle était inférieure à celle pratiquée par des sociétés indépendantes.
Sous-traitance nettement individualisée et valorisation CIR
CAA Bordeaux, 19/04/2022, 20BX02879
La Décision
La Cour d’Appel Administratif a validé les dépenses de sous-traitance, qui avait été refusées en première instance. Le Tribunal avait considéré que les dépenses sous-traitées relevaient de la mise à disposition de matériel pour mener à bien ses essais.
Ainsi, les opérations de sous-traitance de R&D confiée à des organismes agréés sont valorisables au CIR si elles sont nécessaires et indispensables au projet, et si l’entreprise n’était pas en mesure de les réaliser elle-même. Ceci reste valable même si les opérations de R&D externalisées ne sont pas considérées comme nettement individualisées, c’est-à-dire si elles ne sont pas constitutives de R&D prises isolément.
Ainsi, des essais ou mesures confiées à un prestataire, qui ne sont pas individuellement des activités éligibles au CIR, pourront le devenir si elles sont menées dans le cadre d’un projet de R&D.
L’analyse F.initiatives
L’administration avait rejeté la demande de remboursement de la société au motif que les travaux confiés aux sous-traitants bien qu’indispensables à la réalisation de projets R&D ne suffisaient pas à démontrer le caractère de véritables opérations R&D nettement individualisées.
Elle s’était basée sur le rapport d’expertise pour considérer :
- Que les travaux de la société confiés aux sous-traitants (CEA, Université en Belgique et en Finlande) consistaient essentiellement en la mise à disposition de matériel nécessaire pour mener à bien ses essais ;
- Qu’aucun livrable n’avait été fourni et que les factures fournies ne permettaient d’identifier aucun verrou technologique dont la levée avait été confiée aux sous-traitants ;
- Que le fait que les travaux confiés aux sous-traitants aient été indispensables à la réalisation de projets R&D ne suffisait pas à démontrer le caractère de véritables opérations R&D nettement individualisées.
La CAA de Bordeaux n’a pas admis ce raisonnement en soulignant qu’il ressortait de l’expertise que les opérations de mise à disposition de matériel sont nécessaires à l’entreprise pour mener à bien ses essais car elle ne possédait pas les moyens de test. Les dépenses correspondantes pouvaient donc être prises en compte dans le CIR, et ce même si ces dépenses prises isolément ne constitueraient pas des opérations de recherche.
La bonne pratique F.initiatives
Cet arrêt s’inscrit dans la lignée de la jurisprudence constante et est à rapprocher de celui du Conseil d’Etat FNAMS. Cet arrêt avait confirmé que le donneur d’ordre pouvait valoriser une activité même si cette dernière n’était isolément une opération de recherche dès lors que cette activité était nécessaire pour mener à bien son projet.
Il faut retenir que le donneur d’ordre doit démontrer, dans des circonstances similaires, le caractère nécessaire des activités de recherche sous-traitées et disposer d’une matérialité suffisante pour le justifier.
CIR des organismes agréés
Conseil d'État, 28/09/2022, 452461 :
La Décision
Une société mère soutenait que sa filiale avait engagé des dépenses de R&D pour son propre compte lors de l’exécution des prestations confiées par ses donneurs d’ordre.
Le Conseil d’Etat a jugé que les documents produits par la société n’ont pas permis pas d’identifier les travaux lui incombant ni leur lien avec les dépenses qu’elle a intégrées dans l’assiette du CIR et rejeté la demande de la société.
L’analyse F.initiatives
Il s’agit ici d’une situation où un organisme agréé déclare du CIR. Rappelons que les organismes agréés doivent déduire les sommes perçues pour la réalisation d’opérations de R&D de l’assiette des dépenses éligibles de leurs déclarations. Par exception, ils peuvent s’en affranchir si le donneur d’ordre ne peut pas bénéficier du CIR, comme par exemple les organismes publics non soumis à l’impôt sur les sociétés. C’est ce qu’a rappelé le Conseil d’Etat.
Par ailleurs, le CE a confirmé le raisonnement correct des juges d’appel qui consistait à estimer qu’il était impossible d’identifier les travaux incombant à la société ou leur lien avec les dépenses que celle-ci avait intégrées dans l’assiette du CIR. En effet, la documentation technique fournie par la société au cours des opérations de contrôle ne permettait pas d’identifier clairement, parmi les travaux menés par l’ensemble du donneur d’ordre, ceux effectivement réalisés par la société sous-traitante.
La bonne pratique F.initiatives
Dans tous les cas, l’identification claire des travaux réalisés et le lien avec les personnes (et donc à plus forte raison avec les entreprises) reste une nécessité dans la constitution des dossiers justificatifs.
Cette exigence est d’autant plus forte pour le cas des organismes agréés qui souhaitent déclarer du CIR pour leur propre compte. Ces derniers doivent prouver la distinction entre les travaux sous-traités et des travaux menés en interne.
Dépenses de sous-traitance en régie
CAA de PARIS, 9ème chambre, 28/06/2022, 21PA04372
La Décision
Les dépenses de sous-traitance confiées à un organisme agréé ont été considérées comme éligibles au CIR, même si le prestataire intervenait en régie chez le donneur d’ordre. La société apportait des éléments justificatifs suffisants pour quantifier et qualifier l’intervention du prestataire dans les opérations de recherche.
L’analyse F.initiatives
L’organisation de la prestation de recherche était définie par un contrat cadre et deux contrats d’application qui définissaient les projets de recherche concernés. Ces contrats définissaient aussi les taches couvertes par les personnels en régie. Ces tâches correspondaient à des activités de R&D éligibles comme la recherche algorithmique, mais aussi à des activités non éligibles, comme le suivi des projets, qualité, coût et délais.
Un suivi temps précis permettait d’individualiser, les tâches réalisées et les coûts associés, conduisant ainsi à une valorisation CIR claire et justifiée.
La bonne pratique F.initiatives
Encore une fois, un suivi temps précis, doublé d’une description des tâches réalisées a permis d’apporter un niveau de justification suffisant pour valider la déclaration CIR.
Sous-traitance : CIR des Organismes agréés
CAA de PARIS, 01/07/2022, 20PA01044
La Décision
L’administration fiscale rejetait la déclaration CIR de la société, non agréée au titre du CIR, car :
- La société a été engagée pour des opérations d’assistance technique ;
- L’essentiel des heures valorisées a été facturé à des donneurs d’ordres ;
- Les qualifications du personnel n’étaient pas suffisantes.
La cour d’Appel confirme la validation du CIR prononcée par le Tribunal Administratif. En effet :
- le ministère chargé de la recherche et de la technologie a lui-même estimé que les trois projets conduits par la société devaient être regardés comme des opérations de recherche éligibles au crédit d’impôt recherche.
- Pour un organisme non agréé, l’intervention en prestation de services pour le compte de clients n’empêche pas la déclaration de CIR. La société a elle-même bien engagé les dépenses de personnel, et avait fourni l’ensemble des justificatifs demandés.
- Les heures passées par le personnel de la société sur les projets (considérés éligibles au CIR) ont été validées par l’administration. Dès lors, les personnes sont assimilables à des chercheurs ou techniciens de recherche.
L’analyse F.initiatives
En premier lieu, la société a démontré que ses travaux correspondent à des activités de recherche éligibles au CIR. Ensuite, ne disposant pas d’agrément, la question se posait de la validation de la créance si les heures valorisées pouvaient entrer dans une déclaration CIR si elles étaient refacturées à un client. Dans ce cas, la société disposait de ses propres moyens pour conduire des opérations de recherche, et a su prouver l’implication directe de son personnel dans ces activités.
La bonne pratique F.initiatives
La réalité de la R&D est ici une question centrale. La société a su démontrer l’éligibilité de ses travaux. Ensuite, la société a pu montrer qu’elle disposait en interne des moyens de la réaliser, et que n’étant pas agréée, les dépenses étaient éligibles.
La justification et la traçabilité des travaux réalisés permet de répondre aux exigences de l’administration. Lorsqu’une société intervient en prestation d’assistance technique pour le compte d’un donneur d’ordre, il est impératif de pouvoir justifier de l’implication du prestataire dans les activités de recherche.
Veille technologique
Charges éligibles, Veille technologique et suivis temps
CAA de VERSAILLES, 18/10/2022, 21VE01438
La Décision
La Cour d’appel confirme l’arrêt du Conseil d’Etat (voir notre article à ce sujet) :
- Confirmation de la prise en compte de la Contribution Exceptionnelle Temporaire (CET) dans le calcul de l’assiette du CIR ;
- Précision sur la justification de l’éligibilité des dépenses de personnel au CIR ;
- Validation de l’éligibilité des dépenses de personnel en veille technologique sous conditions ;
- Rappel du versement (de droit) des intérêts moratoires en cas de dégrèvement par un tribunal.
Concernant les suivis-temps :
Ce qu’il faut retenir : Un suivi-temps ne suffit pas à justifier de l’affectation « directe et exclusive » aux opérations de recherche, il est fondamental de préciser avec rigueur les missions accomplies par chaque salarié valorisé.
S’agissant de la veille technologique, un suivi précis du temps passé à cette activité est indispensable afin de différencier les dépenses de personnel au sens strict du terme et les dépenses de personnel inhérentes à la veille technologique.
L’analyse F.initiatives
Le Conseil d’Etat et la Cour d’Appel de Versailles viennent valider une position plus large que celle anciennement prise par l’administration fiscale. La CET est définitivement reconnue comme éligible au CIR.
Cet arrêt rappelle également qu’en l’absence de tableau complet justifiant de l’affectation totale du personnel à des activités de R&D, ces dépenses ne sont pas éligibles au CIR dans leur totalité.
Ce qu’il faut retenir : Un suivi-temps ne suffit pas à justifier de l’affectation « directe et exclusive » aux opérations de recherche, il est fondamental de préciser avec rigueur les missions accomplies par chaque salarié valorisé.
S’agissant de la veille technologique, un suivi précis du temps passé à cette activité est indispensable afin de différencier les dépenses de personnel au sens strict du terme et les dépenses de personnel inhérentes à la veille technologique.
La bonne pratique F.initiatives
Le suivi temps, nécessaire, ne suffit pas à lui seul à justifier l’éligibilité du personnel. En effet, s’il permet de quantifier le temps passé, il doit être adossé à une description des tâches réalisées pour confirmer la réalité de l’affectation à des activités de R&D éligibles.
Pour répondre à ces exigences, F.initiatives a développé une solution de suivi des temps particulièrement adaptée aux entreprises innovantes.
Subventions
Nature des subventions à déduire
CAA de PARIS, 9ème chambre, 18/02/2022, 19PA01989
La Décision
L’administration considère que les sommes versées par le comité professionnel de développement des industries françaises de l’ameublement et du bois (CODIFAB) et par l’interprofession nationale France bois forêt (FBF) pour la réalisation des projets de R&D déclarés au titre du CIR correspondent à des subventions publiques. L’entreprise doit donc les déduire de l’assiette des dépenses éligibles.
L’analyse F.initiatives
La société avait perçu des aides pour mener des projets de R&D valorisés au CIR, en provenance de deux organismes. Selon la société, les aides en question ne devaient pas être considérées comme des fonds publics. Pour le premier parce qu’il ne constitue pas une personne morale de droit public, et pour le deuxième parce que les fonds sont issus des cotisations versées par des personnes privées.
La cour d’appel considère que ces aides sont des subventions publiques, à déduire de l’assiette des dépenses éligibles au CIR. Elle précise que « toute aide, versée [pour] un projet de recherche, provenant de l’utilisation de ressources perçues à titre obligatoire et sans contrepartie, […] versées par une autorité administrative ou un organisme privé investi d’une mission de service public » doit être considérée comme une subvention.
La bonne pratique F.initiatives
La forme juridique du financeur n’est pas le seul critère à étudier pour déterminer la déductibilité d’une subvention. La construction de la valorisation de Crédit Impôt Recherche doit s’inscrire dans une stratégie globale, intégrant la destination des financements, leur source et leur structure.
Procédures fiscales
Manœuvres frauduleuses et durée de procédure
Conseil d’état, 20/05/2022 N°446817
La Décision
La durée légale de la procédure de vérification peut être prolongée si la société a procédé à des manœuvres frauduleuses. Dans ce cas, le contrôle fiscal peut donc dépasser les 6 mois prévus au 4° du II de l’article L. 52 du LPF.
Les manœuvres en question portaient sur des factures considérées comme fictives puisque non détaillées ni acquittées. Les conditions contractuelles étaient de plus imprécises.
L’analyse F.initiatives
En premier lieu, il paraît évident d’éviter toute manœuvre frauduleuse, même involontaire. Ainsi, l’activité, les conditions d’application des contrats doivent être clairement décrites et appliquées.
La bonne pratique F.initiatives
Une traçabilité et une matérialité des activités constitue une sécurité dans la justification des activités de R&D. En particulier dans le cas de la sous-traitance d’opérations, l’ensemble des documents doit permettre de reconstituer les travaux prévus, contractualisés, réalisés et livrés.
Procédure fiscale et visite de l’expert
CAA de TOULOUSE, 25/05/2022 20TL03341 et 21TL04529
La Décision
L’administration maintient le rejet d’une partie des dépenses valorisées au CIR sur la base d’un rapport d’expertise des agents mandatés par le MESRI. Cette expertise a été réalisée sur la base des éléments transmis, sans visite des installations. Ceci intervient après que la société a fait réaliser une contre-expertise favorable.
L’analyse F.initiatives
L’argument du vice de procédure est difficile à utiliser. En effet, l’article R. 45 B-1 du livre des procédures fiscales n’impose pas aux agents du MESRI qui participent au contrôle du CIR de se déplacer dans les locaux des entreprises contrôlées. L’absence de visite n’est donc pas un argument valable pour remettre en cause le résultat d’une expertise.
La bonne pratique F.initiatives
Si la visite n’est pas obligatoire pour les agents du MESRI, elle est toutefois possible. Il convient donc de la proposer, et de se tenir à la disposition de l’administration pour apporter tous les éléments justificatifs. De plus, les dossiers justificatifs doivent permettre à un expert de se prononcer en l’absence de tout complément. Leur qualité, clarté et exhaustivité est donc un point central dans la mission de conseil.
Procédures fiscales et versions des textes
Conseil d'État, 28/09/2022, 451820
La Décision
Le Conseil d’Etat rappelle que la justice doit baser ses décisions sur la version actuelle des textes de loi, ici le Livre des Procédures Fiscales. En effet, la cour d’appel avait appliqué une version antérieure du livre des procédures fiscales, ce qui privait la société de la possibilité de s’entretenir avec l’expert mandaté lorsqu’il remet en cause l’affectation à la recherche des dépenses valorisées.
L’analyse F.initiatives
Si la société obtient gain de cause sur la forme, les justificatifs ne semblent pas suffire pour valider la créance CIR. En effet, le conseil d’état renvoie en appel, mais ne valide pas la déclaration : « Il résulte de l’instruction que l’agent du ministère chargé de la recherche, tout en soulignant l’ambiguïté et l’insuffisance des explications fournies par la société pour démontrer le caractère novateur des réponses techniques qu’elle soutenait avoir développées, ne lui a adressé ni demande d’éléments justificatifs, ni demandes d’informations complémentaires qui lui auraient permis de mener son expertise à bien ».
La bonne pratique F.initiatives
Le respect de la forme est indispensable. De même, établir une relation saine d’échange lors de la vérification permet de disposer des échanges et de pouvoir apporter des éléments supplémentaires pour justifier les travaux et les dépenses valorisées.
Vous ne voulez pas rater les prochaines analyses, ou les actualités du financement de la R&D? Inscrivez-vous à notre Newsletter, juste en dessous!